Garder le cap d'une vie sans bagnole...

Avant d’aller plus loin, un billet “préliminaire” qui vise à poser les bases, décrire la démarche, expliquer les contenus… bref à justifier, si besoin était, le pourquoi du comment de ce carnet, qu’on peut résumer avec quelques mot-clé : critique du tout-voiture, alternatives, imaginaire, pratiques et modes de vie, Grenoble et sa cuvette, quartier, rue, émancipation


On peut vivre (volontairement) sans bagnole (à Grenoble notamment)

Si, malheureusement, certains territoires et certains modes de vie contraignent à vivre avec une bagnole, pour aller bosser, pour se nourrir, se divertir ou pour faire ses démarches diverses, force est de constater que, quand on vit dans l’agglomération la plus plate de France, qui plus est un milieu urbain dense, bien desservi et fourni en services, se passer volontairement de voiture paraît relativement aisé et justifié. Et pourtant, à Grenoble comme ailleurs, assez peu de gens, et sans doute encore moins des familles, font le choix de ne pas en avoir (et de ne pas en louer une, ou s’en faire prêter, tous les 4 matins), quand bien même ils et elles en possèdent une juste pour les loisirs…

Ce carnet est donc d’abord là pour montrer que l’on vit bien sans bagnole dans cette cuvette saturée mais attachante : pour peu que l’on ne calque pas ses envies de mobilité sur la ‘culture du tout-bagnole’, une multitude de solutions existent en effet pour satisfaire autrement nos besoins de bouger, à proximité de la métropole ou au-delà. Marcher et pédaler évidemment, mais aussi monter dans un bus, un tram ou un train, pour profiter de ce que le coin de la rue, le quartier ou les premiers bouts de forêts et les près et champs qui touchent la ville ont à nous offrir : les possibilités sont inépuisables. Et le plaisir est souvent au rendez-vous, ne serait-ce que celui de savoir qu’on contribue, mine de rien, par l’acte et par l’exemple, à construire un monde plus beau et plus juste. Rien que ça.

Commençons par déconstruire l’imaginaire de la bagnole

La voiture et son monde sont une drogue dont les ravages, contrairement à la clope ou à la boisson, sont encore largement escamotés : ces boites en métal d’une tonne peuvent passer devant une école à 30 km/h, et frôler des gamins qui ne dépassent pas les rétroviseurs sans que ça ne soit insupportable pour la majorité des gens. Dans le même ordre d’idée, il y a quelques décennies en arrière, laisser des enfants enfermés pendant des heures dans une pièce enfumée était normal, ce qui n’est heureusement plus le cas aujourd’hui. Les mentalités évoluent, les connaissances et les perceptions également, et aujourd’hui le tabagisme passif n’est plus toléré. Mais alors, comment se fait-il qu’on continue à vivre, sans broncher ou presque, dans un monde saturé à ce point-là de bagnoles, avec tous les méfaits, proches ou lointains, que cela engendre ?

Probablement que l’usage de la voiture ne serait pas si dominant et ses méfaits ne seraient pas tant tolérés si l’imaginaire de la bagnole et de son monde n’était pas profondément ancré dans nos têtes, modelé par des décennies de matraquage publicitaire et de modelage culturel. L’état de fait physique - le tout-voiture- est donc avant tout une construction sociale, pronée par certains et acceptés par une majorité. Partant de là, tous les moyens sont donc bons pour déconstruire cet enfumage généralisé, en partie inconscient : asséner les chiffre-massue des accidentés ou des taux de pollution, mettre en regard la réalité et la perception qu’on en a, tisser des contre-récits… C’est en tout cas ces recettes que je tente de mettre en oeuvre dans ce carnet.

Vers un monde dévoituré

Un monde qui lâcherait la voiture… c’est tout un univers de possibles qui s’ouvre, fait de ré-appropriation des espaces et du temps, de re-connexion avec ce qui nous entoure, de ré-ensauvagement de nos vies. Plus concrètement, dévoiturer nos villes et nos vies, c’est rendre les rues plus sûres et vivables, pacifiées et mieux partagées, l’air moins toxique, c’est faire régresser le goudron et béton pour laisser la place à de la vie animale et végétale : de quoi rendre autant désirable le coin de la rue, que l’autre bout du monde où l’herbe n’est pas forcément plus verte… Alors, laissons-nous aller à imaginer ce nouveau monde et posons-nous la question : comment occuperons-nous cette rue, ce parking, cette autoroute ou cette zone commerciale une fois que les bagnoles n’y circuleront plus ?


Et merci à Vito pour ce chouette dessin : courrez vite chercher en librairie son dernier bouquin “Utopique !” (auto-édition, 2020) !