La vallée du Buëch : un eden inaccessible


Une vallée où coule une des dernières rivières sauvages des Alpes, mais aussi où passe une des plus belles voies ferrées. Pourtant, faute de gare et du fait d’une route principale au trafic démentiel, vouloir y traîner ses baskets et celles de ses gamins sans y aller en bagnole n’est tout simplement pas faisable…


La ligne TER Grenoble – Gap : un serpent ferré qui parcourt les Alpes, entre Vercors et Trièves d’abord, puis au pied du Dévoluy pour finalement contourner le massif des Ecrins par le sud. Une succession de ponts, de viaducs et de tunnels bâtis, il y a plus d’un siècle, en pierres taillées pour franchir un col, la Croix haute, et faire communiquer les deux versants des Alpes : frais et humide au nord, et qui fleure déjà la lavande quand on plonge en direction de la Méditerranée. La ligne Grenoble-Gap, ce sont aussi des gares « dans leur jus », au pied de paysages somptueux et des villes et villages situés au coeur de territoires vivants, qui vibrent de populations diverses. Bref le terreau idéal pour des idées d’évasion de citadins à la recherche de plaisir sans bagnole !

Depuis presque 20 ans que je suis à Grenoble, je suis resté des heures entières à regarder les cartes topo pour imaginer quelle balade, à pied ou à vélo, pourrait être faite à partir des différentes gares du parcours. Et j’ai surtout exploré ces possibilités, tantôt enthousiasmantes, tantôt décevantes, parfois sur une demi-journée et d’autres fois sur plusieurs jours. Depuis qu’on a deux enfants, le périmètre des explorations potentielles autour des gares s’est forcément réduit… mais ça n’enlève rien à l’envie ! Que ce soit pour une journée dans la neige du coté de Clelles, un we estival au camping à Lus ou encore des escapades cyclo sur des routes désertes au départ de la gare de Vif, les possibilités offertes par cette ligne restent nombreuses.

Par contre, il existe pour moi une source de frustration ultime, dans ce domaine (purement égocentrique…) des mobilités de loisir, qui est la quasi-impossibilité de connaître et de profiter de la haute vallée du Buëch, entre Lus et Veyne, si on n’utilise pas la bagnole. La rivière a taillé des cluses dans une succession de barres calcaires toutes plus impressionnants les unes que les autres, parfois même occupées par des ruines qui se confondent avec la roche. Et le train se faufile dans cette partie relativement étroite de la vallée laissant tout le temps d’admirer les vallons latéraux et leurs paysages à taille humaine, où la forêt et les bosquets colonisent les versants, alors que de beaux pâturages se maintiennent dans les parties hautes. Quelques pistes et un climat plutôt agréable irriguent ce territoire où, au final, l’aventure, celle qu’on recherche quand on a 10 ans, est à portée de main.

Bref, un vrai petit paradis… mais un paradis inaccessible pour des gamins qui ont des parents qui n’ont pas de voiture ! Vous me direz que c’est le cas d’autres lieux, d’autres vallées édeniques qui ne manquent pas dans la région. Oui, mais, ici, une petite ligne ferroviaire régionale dessert la vallée, ce qui est déjà en soi exceptionnel ! Alors, on se prend forcément à réver d’un arrêt du train au milieu de nul part. Mais, non, le train y passe sans s’arrêter, et la configuration des lieux, et surtout la présence d’une route très transitée sur laquelle il est impensable de rouler à vélo avec des jeunes enfants, font qu’il nous faut, pour le moment en tout cas, renoncer à l’idée de découvrir cette vallée en famille… La ligne de train étant finalement sauvée (pour le moment en tout cas, et grâce à une lutte acharnée des collectifs d’habitants et d’usagers), on pourrait espérer que les gamins en question pourront peut-être revenir en train avec leurs propres enfants. Mais les dizaines de millions d’euros investis dans le même temps pour rendre la route plus roulable laissent aussi craindre que le rêve ne deviennent pas réalité de sitôt…