Lectures
Pot-pourri de lectures diverses…
Ville contre automobile, livre d’O. Ducharme (2021)
Il y a quelques mois est paru, aux éditions Écosociété, un bouquin écrit par O. Ducharme, un chercheur québécois décrivant, sur la base des expériences canadiennes, les processus (sociaux et politiques essentiellement) ayant conduit ces territoires nord-américains vers le tout-voiture, et les conséquences pour les habitante·e·s.
Un des parti-pris d’Olivier Ducharme, questionnant l’emprise massive de l’automobile dans la vie et dans les villes, me fascine tout particulièrement dans la mesure où il résonne avec des réflexions et des engagements que je mène depuis un moment :
Manifeste pour un urbanisme circulaire, livre de S. Grisot (2021)
Présentation de l’ouvrage, de l’auteur, de son objectif, du contenu général
Nous ne savons plus faire (la) ville. Elle s’étale jusqu’à prendre le risque de se disloquer. Mais la faut à qui ? A la voiture bien entendu.
La voiture est le moteur de l’explosion des villes.
La voiture est le coeur, mais ne constitue pas à elle seule un système de mobilité. Point de hasard, elle se développe justement au moment où l’industrie pétrolière se cherche de nouveaux débouchés.
Le début du siècle précédent est donc une période de lutte intense autour d’un sujet qui nous agite encore : à qui appartient la rue ?
Contre la bagnole, brochure d’Y. Bonnardel (1987)
Un texte du “Regroupement d’Opposants à la Bagnole” (qui m’a été communiqué par Ici-Grenoble : merci à Camille !), collectif lyonnais… Ecrit visiblement à la suite de la mort de sa chatte, victime d’un accident avec une voiture
“Comment être contre la bagnole ?”, de nombreuses personnes s’étonnent avec dans la voix un accent de détresse et de révolte. Nous dirions : “nous sommes contre le ciel bleu”, que la réaction ne serait pas plus forte.
[…] tout automobiliste, à moins de faire preuve d’une résolution ferme et rare et épuisante, devient un assassin en puissance dès lors qu’il monte dans sa voiture. C’est probablement un des aspects le plus inquiétant dans le phénomène bagnoles.
Les automobilistes sont des fantômes qui glissent les uns à côté des autres en se menaçant toujours et sans jamais se toucher. Quand le contact se fait quand même c’est le drame, la blessure. Les autres automobilistes sont des abstractions visibles [..?] et le but est qu’ils le restent.
[…] par la simple possession de leur voiture, [les automobilistes] s’attribuent un certain nombre de m^2 sur l’espace de tous. Il leur faut de l’espace de parking, devant ou sous leur domicile, sur leur lieu de travail, devant les magasins ; quand elle roule chaque bagnole prend d’autorité et agressivement un espace encore supérieur, devant elle et sur les côtés, d’où les non-automobilistes (piétons, cyclistes) sont exclus sous peine de risquer la mort. En fait qu’elles y soient ou non toute la chaussée et même les trottoirs appartiennent aux bagnoles. Le sentiment de puissance que procure l’automobile n’est donc pas qu’une illusion. Comme celle que procure la possession d’une arme, cette puissance est purement destructrice, mais elle permet bien d’oublier ses frustrations quotidiennes.
Les piétons sont les gens négligeables et ils essaient de se déplacer dans la ville, dans les interstices entre les gens importants gonflés par leur bagnole, et s’ils se font écraser, c’est qu’ils n’avaient qu’à ne pas être là.
En voiture la liberté est telle qu’on ne s’arrête pas pour regarder une plante ou un animal. A 90 km/h sur chaussée sèche, le conducteur s’arrêterait 70 m après la fleur ou l’animal. D’ailleurs il y aura des chances qu’il l’ait écrasé. Plus on va vite, plus on est dominé par la vitesse, moins on est libre. Sur l’autoroute on n' a pas le droit de s’arrêter.
La bagnole est un symptôme, elle est aussi une cause, car en se rendant indispensable, en transformant la Terre à son image, elle tend à interdire de vivre autrement que dans l’état d’esprit qui l’a engendrée.
Peut-on parler de quelque chose de si évident, de si omniprésent sur les routes mais aussi dans les consciences des gens que l’automobile ? Est-ce que l’utilité d’un moyen technique mis à disposition de tout le monde oblitère le fait d’en questionner les conséquences de l’usage ? Pour illlustrer les problèmes que posent ce choix de dissocier l’usage et les conséquences, proches et lointaines de cet usage, un copain plutôt proche de mes idées propose cette comparaison : si on avait les moyens de se déplacer couramment en hélicoptère, tout en sachant que l’usage de ce mode de transport est extrêmement nuisible
Si on s’arrête aux réactions de la majorité des gens, y compris celles et ceux qui pensent avoir une idéologie progressiste,
L’idéologie sociale de la bagnole, article d’André Gorz, paru en YYYY dans la revue Ecologie et politique
Il faut s’accrocher :
L’automobilisme de masse matérialise le triomphe absolu de l’idéologie bourgeoise au niveau de la pratique quotidienne : il fonde et entretient en chacun la croyance illusoire que chaque individu peut prévaloir et s’avantager aux dépens de tous. L’égoïsme aggressif et cruel du conducteur qui, à chaque minute, assassine symboliquement “les autres”, qu’il ne perçoit plus que comme des gênes matérielles et des obstacles à sa propre vitesse, cet égoïsme agressif et compétitif est l’avènement, grâce à l’automobilisme quotidien, d’un comportement universellement bourgeois.
Et Bim, dans ta face…
Références à chercher
- Yves BERNABEU, «Le procès du Paris-Dakar» Ed. Chiron – Terre d’Afrique (cité par Y. Bonnardel, dans sa brochure) :
Enfermé dans la voiture ou capté par l’image artificielle, [l’usager] éprouve un réel isolement physique. Il s’agit d’une solitude d’un genre particulier qui n’est pas celle de l’enfermement ni celle de l’absence de commerce avec autrui. Ce n’est pas non plus la solitude du solitaire. Devant l’image et dans l’habitacle mobile, il s’agit de la séparation d’avec l’ensemble de la réalité.
[…] l’aspect social majeur de la bagnole, le plus facile à percevoir, est l’isolement, la fragmentation. [La voiture] est le triomphe de la propriété privée individuelle, considérée par la plus grande part de la population et ce dés l’enfance comme signe à la fois de « réussite » et d’émancipation. L’être n’est réellement que s’il se surajoute des possessions matérielles et humaines (mariage, enfants) dont il ne voit pas le côté aliénant et le coût que cela entraîne dans sa vie (énergie, liberté, temps…).